PHLOGISTIQUE

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PHLOGISTIQUE

PHLOGISTIQUE

Cet adjectif grec (phlogiston ) signifiant «inflammable» est utilisé pour la première fois par Aristote pour désigner une combustion accompagnée de flamme; il fut ensuite repris par Becher (1635-1682) et surtout par Stahl (1660-1734) dans les circonstances suivantes. Becher pensait que tous les corps composés contiennent, en proportions différentes, trois espèces de terre: la terre vitrifiable, la terre sulfureuse ou inflammable et la terre mercurielle.

C’est à cette deuxième terre, sulfureuse ou inflammable, que Stahl a donné le nom de phlogiston ou phlogistique. Ce «principe du feu» dérive lui-même du principe alchimique soufre; c’est «du soufre presque pur» qui ne laisse aucun résidu après combustion, un «feu en puissance» qui, pendant la combustion des matières organiques (graisses, huiles, bois, etc.), se dégage dans l’atmosphère. Il est introduit par Stahl en ces termes: «Je crois être fondé à dire que premièrement, relativement au feu, ce principe sulfureux est non seulement un être approprié au mouvement igné et même celui qui y semble uniquement destiné, mais encore, à parler raisonnablement, ce principe est le feu corporel, la vraie matière de feu. Cependant, hors de la mixtion, il ne donne point de feu, il se dissipe et se volatilise en particules invisibles ou, du moins, il produit simplement de la chaleur qui est un feu très divisé [...]. D’après toutes ces circonstances réunies, j’ai jugé que l’on ne pourrait donner à cette matière de nom plus convenable que celui de la matière et du principe inflammable [...]. Voilà pourquoi je lui donne le nom grec de phlogiston , phlogistique ou inflammable .» Cette matière extrêmement subtile communique les couleurs aux substances auxquelles elle se trouve combinée, ainsi que les odeurs, mais n’a pas la faculté de s’unir à l’eau; en revanche, elle se combine très facilement et très étroitement avec les substances solides, et tous les corps en contiennent des quantités plus ou moins importantes, surtout les animaux et les végétaux; il est abondant dans les corps gras, le charbon, le soufre, les métaux imparfaits et les substances métalliques «non mûres». Dispersé dans l’air, le phlogistique est absorbé par les plantes et passe ensuite au règne animal. Stahl a même essayé de l’obtenir à l’état pur en brûlant de l’huile de térébenthine dans une cuiller et en recueillant la suie qui se dégageait sur une autre cuiller froide; il démontre par cette expérience «que la vérité est toujours simple»!

On pourrait penser dans ces conditions que l’augmentation du poids d’un métal par calcination serait suffisante pour détruire la théorie du phlogistique. Stahl et ses élèves savaient très bien «que les métaux, en se transformant en chaux, augmentent de poids», mais pensaient que le phlogistique était plus léger que l’air. C’est ainsi qu’un corps qui perdait le phlogistique devenait plus lourd.

Aussi étrange qu’elle nous paraisse actuellement, la théorie du phlogistique a régné sur la chimie pendant un demi-siècle. En effet, le phlogistique, agent universel de la combustibilité et des principales propriétés chimiques et même physiques des corps, rendait compte de l’ensemble des connaissances chimiques.

Ce principe s’apparentait aux autres agents impondérables qu’étaient la lumière, le magnétisme, l’électricité. Il n’était en contradiction avec aucune des grandes métaphysiques de la matière: les cartésiens retrouvaient les effets du mouvement et la forme des substances à la base des propriétés chimiques ou physiques des corps; les atomistes retrouvaient les particules et les newtoniens la notion d’affinité.

Ce n’est que vers le milieu du XVIIIe siècle que de nombreuses expériences se trouvent en contradiction avec la théorie; on essaye alors de la sauver en introduisant un phlogistique impondérable ou même à poids négatif (principe de légèreté d’Aristote), mais les travaux de Lavoisier et son mémoire célèbre intitulé Réflexions sur le phlogistique (1785) portent le coup de grâce à la théorie. À la même époque, la notion même de «principe» disparaît avec la nouvelle nomenclature élaborée par Lavoisier, Fourcroy, Guyton de Morveau et Berthollet.

phlogistique [ flɔʒistik ] n. m.
• 1747; lat. mod. phlogisticum, du gr. phlogistos « inflammable »
Hist. des sc. Feu, considéré comme un des matériaux ou principes de la composition des corps (doctrine ruinée par Lavoisier, à la fin du XVIIIe s.).

phlogistique nom masculin (grec phlogistos, inflam- mable) Fluide particulier, qu'on supposait inhérent à tout corps et qui était censé produire la combustion en abandonnant ce corps. (Développée par Stahl, la théorie du phlogistique fut infirmée par les travaux de Lavoisier, qui montrèrent que la combustion est une réaction chimique.)

⇒PHLOGISTIQUE, subst.
A.Subst. masc., ANC. CHIM., PHYSIOL. Fluide qu'on supposait inhérent à tout corps et qui, lorsqu'il abandonnait ce corps, en provoquait la combustion. Théorie du phlogistique. Comparez maintenant, s'il est possible, la lumière de ces principes à l'obscurité des archées de Van Helmont ou du phlogistique de Stahl, et vous comprendrez jusqu'à quel degré Lavoisier a rompu avec le passé et mérite d'être proclamé le fondateur de la chimie moderne (PASTEUR ds Travaux, 1895, p.416). Jusqu'à sa mort, Priestley, collecteur génial de faits nouveaux, conserva obstinément son attachement au phlogistique de Stahl et ne se rallia jamais à la chimie moderne (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p.626).
Empl. adj. Qui est relatif au phlogistique. La chimie a démontré que la respiration constitue chez l'homme une véritable combustion, dont le plus ou moins d'intensité dépend de l'affluence ou de la rareté des principes phlogistiques amassés par l'organisme particulier à chaque individu (BALZAC, Peau chagr., 1831, p.267).
B.Subst. fém. Théorie du phlogistique. Leçon d'ouverture: La science procède par révolutions et non par addition pure et simple. Cela tient aux théories qui sont toujours successives. Chimie, exemple frappant. La phlogistique expliquait très bien, etc. (Cl. BERNARD, Notes, 1860, p.149).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1750 (MÉNON ds Mém. de math. et de phys., t.1, p.566). Dér. sav. du lat. sc. mod. phlogiston 1733 (STAHL, Specimen Beccherianum, p.19), du gr. «consumé par la flamme», «inflammable», dér. de «brûler», de , «flamme» de «enflammer»; suff. -ique. L'angl. phlogistic de même sens est att. dep. 1733 ds NED.

phlogistique [flɔʒistik] n. m.
ÉTYM. 1747; du lat. sc. mod. phlogisticum, mot formé par Becher d'après le grec phlogistos « inflammable », et repris par Stahl.
Hist. sc. (chim.). Feu (cit. 7) considéré « comme un des matériaux ou principes de la composition des corps »; car, « selon la doctrine de Stahl (…), le principe que les chimistes ont désigné par les noms de soufre, principe sulfureux (…), principe inflammable, terre inflammable (…) n'est autre chose que le feu même (…), la vraie matière, l'être propre du feu (…) » (Encyclopédie, Feu, 1756). Fluide (calorique). || La théorie du phlogistique, après avoir régné plus d'un demi-siècle, fut ruinée par Lavoisier. Combustion.Adj. || Principe phlogistique : principe du feu.
0 (…) avant cet illustre chimiste (Lavoisier) on s'imaginait que les corps ne brûlaient qu'en laissant dégager un principe insaisissable, auquel on donnait le nom de phlogistique; d'où il suit qu'on devait regarder ces corps comme des combinaisons de phlogistique et de ceux que nous appelons aujourd'hui oxides (sic) ou acides. Toutes les fois que le phlogistique se dégageait d'un corps, il y avait combustion, et le corps cessait d'être combustible. Toutes les fois, au contraire, que le phlogistique était absorbé par un corps incombustible, celui-ci devenait combustible.
L.-J. Thénard, Traité de chimie (6e éd., 1834), p. 39.
CONTR. et COMP. Antiphlogistique. — V. aussi Aphlogistique.
DÉR. Phlogisticien.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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